Rapport par Nils Muižnieks, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, suite à sa visite en France, du 22 au 26 septembre 2014 - 17 février 2015
Lire en PDF sur le site du Conseil de l’Europe
« S’agissant de la situation outre-mer, le Commissaire estime que la pression migratoire subie par un territoire ne devrait pas justifier des dérogations ayant pour effet de restreindre les garanties procédurales en matière d’asile et d’immigration. Il appelle donc les autorités à assortir sans délai les recours existant outre-mer d’un effet suspensif de plein droit, qui constitue l’une des conditions de leur efficacité. » (§132) |
Extraits concernant l’outre-mer
Les Outre-mer épinglés dans le rapport du Conseil de l’Europe sur les droits de l’homme en France-
Outre-mer 1re
_ par Philippe Triay
18 février 2015
Le nouveau rapport sur la France (le précédent date de 2008) du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, le Letton Nils Muižnieks, aborde les problématiques de l’intolérance et du racisme, ainsi que le respect des droits de l’homme des migrants, des Gens du voyage, des Roms et des personnes handicapées (voir le document intégral à la fin de l’article). Sur la question des migrants, les Outre-mer sont pointés du doigt pour certains dysfonctionnements, en particulier le département de Mayotte. Tour d’horizon.
- Conditions d’accueil des demandeurs d’asile
En ce qui concerne les droits de l’homme dans le contexte de l’asile et de l’immigration, le rapport se penche sur le dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile (DNA). Ce dernier permet théoriquement de proposer aux demandeurs d’asile un logement dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) durant l’examen de leur demande. Mais cependant, note le commissaire, « les capacités d’accueil sont très nettement insuffisantes : il n’existe aucun CADA en Outre-mer, tandis qu’en métropole seuls 33 % des demandeurs d’asile ont été admis en CADA en 2014 ».
- Droits de l’homme des mineurs isolés étrangers
Concernant le nombre de mineurs isolés étrangers (dits MIE), leur nombre ne semble pas avoir augmenté de manière importante. « Selon la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme, ndrl), les estimations varient, du fait de données chiffrées lacunaires, de 4.000 à 9.000 MIE, auxquels s’ajoutent environ 3.000 MIE pour le seul département de Mayotte » note le rapport.
Si le commissaire se félicite de l’adoption en mai 2013 d’une circulaire mettant en place un protocole d’évaluation par les services de l’aide sociale à l’enfance (entretien, vérification des documents d’état civil, examen médical), « il regrette que l’Outre-mer n’entre pas dans le champ d’application de la circulaire alors même que le département de Mayotte est particulièrement concerné par la présence des MIE sur son territoire. »
- Accueil et prise en charge des mineurs isolés étrangers
Sur cette question, le rapporteur se dit « particulièrement préoccupé par les informations qu’il a reçues s’agissant des conditions d’accueil et de prise en charge des MIE à Mayotte. Il attire l’attention des autorités françaises sur le fait que leur décision de ne pas étendre le champ d’application de la circulaire de la ministre de la Justice de 2013 à l’Outre-mer ne les délie pas des obligations en matière de prise en charge des mineurs isolés étrangers découlant de leurs engagements internationaux. » Dans ses recommandations, le commissaire invite évidemment les autorités françaises à étendre à l’Outre-mer les modalités de prise en charge des mineurs isolés étrangers définis par la circulaire Taubira.
- Procédures relatives aux demandes et contestations de refus de titre de séjour et à l’éloignement
Le rapport s’inquiète du régime dérogatoire prévalant en Outre-mer, où les recours dirigés contre les obligations de quitter le territoire (OQTF) et les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière sont dépourvus d’effet suspensif de plein droit.
Le Commissaire note également avec préoccupation « que le projet de loi relatif au droit des étrangers en France entend maintenir une dérogation à la règle du recours suspensif de plein droit sur l’OQTF en raison de "la pression migratoire" qui s’exerce sur les territoires ultramarins, en particulier Mayotte et la Guyane. Ce projet prévoit certes la possibilité de saisir le juge administratif d’un référé-liberté pour obtenir la suspension de l’éloignement du territoire, mais ce recours d’urgence risque d’être insuffisant s’il est procédé à l’exécution de l’OQTF avant que la personne intéressée ait pu saisir le juge des référés. »
Nils Muižnieks estime donc, s’agissant de l’Outre-mer, que la pression migratoire subie par un territoire ne devrait pas justifier des dérogations ayant pour effet de restreindre les garanties procédurales en matière d’asile et d’immigration.