I. Guyane
A. La carence institutionnelle dans l’établissement de l’état civil, vecteur d’atteintes à l’accès aux droits dans l’ouest guyanais
Rapport d’une mission effectuée entre le 22 novembre et le 6 décembre 2014 par le service juridique de la LDH en collaboration avec la responsable du groupe outre-mer de la LDH.
B. Barrages policiers permanents en Guyane
Deux barrages policiers permanents, véritables frontières internes, sont établis sur la seule route permettant l’accès à Cayenne, l’un à l’Est, l’autre à l’Ouest (voir la carte). Les personnes qui vivent le long des fleuves frontaliers (Oyapoque et Maroni), étrangères sans papiers ou françaises mais dépourvues de preuve de leur nationalité, sont ainsi privées de l’accès à la préfecture, à certains tribunaux, à plusieurs services hospitaliers et consultations spécialisées, à des formations professionnelles ou universitaires.
Ces contrôles de gendarmerie sont renouvelés tous les six mois par des arrêtés préfectoraux selon lesquels « le caractère exceptionnel et dérogatoire au strict droit commun de ces contrôles permanents à l’intérieur du territoire, doit être principalement ciblé sur la répression de l’orpaillage clandestin et l’immigration clandestine ».
Huit associations - Aides, la Cimade, le Collectif Haïti de France, le Comede, la Fasti, le Gisti, la Ligue des droits de l’Homme et Médecins du Monde - ont déposé devant le tribunal administratif de Cayenne plusieurs recours en annulation contre des arrêtés renouvelant ces barrages tous les six mois.
Par deux décisions, le TA de Cayenne a rejeté ces recours au motif qu’aucune des associations requérantes, compte tenu de leur champ d’action national et, pour certaines, de leur objet, ne justifiait d’un intérêt pour agir contre un arrêté préfectoral pris à des fins d’ordre public et dans le seul département de la Guyane.
La CAA de Bordeaux a été saisie en appel à la suite de la première de ces décisions - l’audience s’est tenue le 21 mai 2015.
La presse guyanaise parle des recours contre ces barrages et de la mobilisation de l’UTG pour le 1er mai
C. Expulsions de la Guyane vers le Suriname
Un accord de réadmission, signé le 30 novembre 2004 et ratifié par la France en décembre 2005.
Un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Suriname relatif à la coopération transfrontalière en matière policière, signé à Saint-Laurent-du-Maroni le 29 juin 2006 et ratifié par la France le 24 janvier 2008.
Aucun des deux n’a été ratifié par le Suriname en 2015
Cependant le site du ministère des affaires étrangères précise : « Sur le terrain, cependant, la coopération fonctionne de manière satisfaisante. Des patrouilles militaires fluviales conjointes sont mises en œuvre selon un accord intergouvernemental datant de septembre 2003. »
Ainsi, la reconduite depuis la Guyane d’une personne étrangère vers le Suriname n’est prévue par aucun accord bilatéral en vigueur sans un sauf conduit délivré par une autorité consulaire surinamaise - même si cette personne est de nationalité surinamaise. Or la préfecture de Guyane décide chaque année l’exécution de milliers de reconduites de l’autre côté du fleuve frontalier d’étrangers de toutes nationalité...
- Guyane : expulsé à 600 km de chez lui
Article en ligne de France-Guyane, 16 mars 2015, par Pierre Rossovich
« Les ressortissants guyaniens en situation irrégulière en Guyane ne sont reconduits que jusqu’à Albina, au Suriname, en raison de l’absence d’accord de coopération entre la France et le Guyana. La plupart rebroussent chemin. En 2014, la Police aux frontières (Paf) a interpellé près de 8 000 personnes en situation irrégulière en Guyane, dont 5 800 ont été reconduites à la frontière. Parmi ces reconduites, on compte bon nombre de Guyaniens laissés à... Albina. On pourrait se demander quel est l’intérêt de reconduire à la frontière surinamaise des ressortissants du Guyana. En effet, il faut compter 600 km entre Albina et Georgetown, et seulement 260 entre Albina et Cayenne. Pour les clandestins, le calcul est vite fait. Tous retraversent le Maroni directement. »
- Jurisprudence : le renvoi de Guyane vers le Suriname de personnes qui n’y sont pas légalement admissibles est illégal
II. Mayotte
A. Reportage
- A Mayotte, « comme au temps des colonies »
Médiapart, 14 mai 2015, par Olivia Müller
« Dernier-né des départements français, Mayotte se trouve dans une situation paradoxale. Propulsée dans un processus accéléré d’intégration à la République, l’île reste soumise à des pratiques dérogatoires encore dignes du système colonial. Exemples aux frontières, à l’école, dans l’administration… »
- Mayotte, l’île aux enfants perdus
Les Inrockuptibles, 15 avril 2015, par Olivia Müller
« A Mayotte, dernier-né des départements français, un habitant sur deux a moins de 17 ans. Parti eux, de nombreux enfants survivent, sans droits ni ressources, dans la misère la plus totale. Zomm sur un scandale oublié, noyé dans l’océan Indien. »
- A Mayotte, personne ne sait « comment s’en sortir »
Médiapart, 26 mars 2015, par Olivia Müller
« Dans le dernier-né des départements français, en marge des meetings électoraux, la population, ravagée par la pauvreté et la difficulté d’accéder aux mêmes droits qu’en métropole, commence à questionner les dysfonctionnements de la République. »
B. Jurisprudence
Jusqu’au 26 mai 2014 (date d’entrée en vigueur du Ceseda à Mayotte) :
- un séjour à Mayotte aussi long et stable soit-il n’était pas encore un séjour "en France" au sens du Ceseda et ne créait de ce fait pas de droits au séjour en métropole ;
- des OQTF avec Mayotte comme "pays" de destination étaient décidées et exécutées.
Depuis le 26 mai Mayotte est "en France" au sens du Ceseda et ce type de décision ne devrait plus exister...
- TA de Marseille, 13 mai 2015, n° 1501848
Madame X était arrivée en métropole ; son fils français est resté à Mayotte. Elle demand une carte de séjour en tant que parent d’enfant français résident en France (Ceseda, art. L. 313-11 6°).
Le tribunal annule un refus de la préfecture car « Il est constant qu’à la date de la demande de titre de séjour présentée par la requérante cet enfant demeurait de manière stable et durable à Mayotte et par suite en France" au sens du Ceseda ».
- TA de Toulouse, 13 mars 2015, n° 1501209
Illégalité d’un refus de titre de séjour accompagné par une OQTF à destination de Mayotte prononcé par le préfet du Tarn alors que la personne concernée possédait une carte de résident délivrée à Mayotte et valable jusqu’en 2023.
C. Expulsions
- Mayotte : 19991 reconduites à la frontière en 2014
Extraits d’une conférence de presse du préfet de Mayotte (10 avril 2014)
Kwassas interceptés
Année | 2011 | 2012 | 2013 | 2014 |
Embarcations | 449 | 412 | 476 | 597 |
« Passeurs » | 623 | 478 | 518 | 610 |
Passagers | 11 412 | 10 132 | 10 610 | 12 879 |
Source : Préfet de Mayotte, conférences de presse, 3 février 2014 et 11 avril 2015
Total des reconduites en 2014 (adultes + enfants) : 19 991. En 2013 : 15 908.
III. Thèmes transversaux
Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) : observations finales sur les 20e et 21e rapports périodiques de la France
Points 12 et 13 sur les peuples autochtones de Guyane et de Nouvelle-Calédonie ; 14 sur Mayotte et 16 sur le faible accueil des demandeurs d’asile en outre-mer.
Migrations, santé et soins en Guyane (Human health and pathology)
par Anne Jolivet
Thèse de l’Université Pierre et Marie Curie - Paris VI, 2014
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01067997.
La lettre 4 de la LDH sur l’outre-mer, avril 2015
- Dossier "Outre-mer, état de santé"
- Actualités
Nationalité française : nouvelle offensive contre le droit du sol
Déclarations de trois députés en mai 2015... Comme, depuis dix ans, en période de réformes législatives, l’outre-mer sert de "laboratoire des reculs des droits des étrangers.
Rapports institutionnels
- Rapport de l’OFPRA pour 2014 (paru le 25 avril 2015)
avec le détail des données sur l’asile dans chacun des DOM (nombre de demandes - premières demandes et réexamen ; nombre d’accords et de rejets par l’OFPRA ; décisions de la CNDA).
- Onzième rapport du Comité interministériel de contrôle de l’immigration, 15 avril 2015
Ce rapport porte sur chiffres relatifs aux politiques concernant les étrangers en France pendant l’année 2013.
Extraits concernant l’outre-mer :
Population : totale (toutes nationalités), étrangère en situation régulière, étrangère en situation irrégulière (estimation)
DOM | Totale | Situation régulière | Situation irrégulière |
Mayotte | 217091 | 21741 | 75000 |
Guyane | 229040 | 38911 | 45000 |
Guadeloupe | 403355 | 18858 | 15000 |
Martinique | 394173 | 6280 | 2000 |
Réunion | 821136 | 8121 | 1500 |
Éloignements depuis les Dom 2005-2013
Année | 2005 | 2006 | 2007 | 2008 | 2009 | 2010 | 2011 | 2012 | 2013 |
Mayotte | 7714 | 13253 | 13990 | 13329 | 16726 | 20429 | 16374 | 13001 | 11861 |
Guyane | 5942 | 8145 | 9031 | 8085 | 906 | 69458 | 9410 | 9757 | 6824 |
Guadeloupe | 1253 | 1964 | 1826 | 1682 | 1023 | 514 | 546 | 651 | 529 |
Martinique | 603 | 432 | 390 | 404 | 327 | 454 | 454 | 499 | 344 |
Réunion | 56 | 64 | 53 | 52 | 73 | 67 | 74 | 70 | 74 |
Les enfants ne sont pas compris dans ces chiffres.